Abraham Estin a construit son roman, Le Petit-fils de Yossef-qui-ne-jure-jamais, à partir de certains souvenirs personnels tout en se refusant à écrire une autobiographie. Les faits saillants de sa vie et celle de Yossef, héros et narrateur, sont mis en parallèle dans Yossef vs Abracha. La comparaison de ces deux destinées donnera lieu par la suite à une réflexion plus générale sur les différences entre l’autobiographie et l’autofiction.
Si Abracha a voulu rendre hommage à sa famille, il a modifié sur des points importants le cours des événements réels. Par exemple, dans son œuvre, il « fait mourir » son père Wolf en 1914 alors qu’en fait celui-ci périt en essayant de s’échapper du ghetto en 1943. En revanche, dans le chapitre Une lettre d’Israël Marszak, il brosse un portrait fidèle et attendri de son oncle Zeidel.
La rubrique Remue-ménages fera plus tard apparaître les points communs et les divergences entre la famille de l’auteur et celle du narrateur. En attendant, on pourra faire connaissance avec les différents personnages de La famille du narrateur à partir d’un index de leurs apparitions.
Au-delà de ces aspects personnels et familiaux, Abraham Estin avait une autre ambition : « Mon idée maîtresse tout au long de mon travail de rédaction, écrivait-il en mai 1983, a été de rendre facilement accessibles aux générations d’après-guerre qui ne l’ont pas connu les contours d’un univers maintenant disparu. » Ce propos se décline différemment au fil du roman. Dans la première partie, la communauté juive de Grodno est évoquée de façon impressionniste, à travers une galerie de personnages et de situations caractéristiques. La dernière partie du récit, le journal du narrateur, offre une reconstruction de ce qu’a pu être la vie des gens dans la ville pendant la guerre.
Sans se prétendre historien, Abraham Estin a donc laissé une œuvre d’une valeur documentaire indéniable. Dans un premier temps, on trouvera ici des compilations qui mettent en lumière le riche arrière-fond du roman :
- Dans Gens de Grodno et quelques autres lieux, on a une liste de tous les personnages réels mentionnés dans le roman.
A l’intersection de la documentation et de l’écriture littéraire, la manière dont la Toile de fond est tissée et la Narration brossée seront étudiées ultérieurement.
Dans Coups de chapeau seront mis en lumière des personnages réels auxquels l’auteur a voulu rendre hommage, et notamment Zalman Livné (Les pionniers sionistes), l’un des « anciens » du kibboutz Ein Hashofet (L’immigration en Israël et Traces).
Dans Rencontres seront présentés quelques uns des survivants du ghetto de Grodno interviewés, dont Félix Zandman (1927-2011), auteur du témoignage profondément humain Never the Last Journey, paru en 1995 et traduit en français sous le titre Il y a toujours un lendemain (1999, édition du Félin).
La Genèse retracera le développement des écrits d’Abraham Estin et en particulier des versions successives du roman (Historique du texte). Des exemples de comparaisons entre les trois versions seront proposés.
Enfin je fournirai des éclairages sur mon rôle dans l’écriture et la finalisation de ce roman.
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