Itzhak Warszawski, mon ami, tu m’as demandé pourquoi je veux être enterré au mont des Oliviers. Sur le coup, t’a question m’a laissé pantois. Depuis, j’y ai réfléchi. Ma vie, celle d’un gosse originaire de Grodno (Pologne), émigré en France, n’a pas précisément suivi un sillon unique. De subtiles voltefaces en revirements inattendus, déconcertants même, me voilà à Jérusalem, devant la Grande Épreuve. Quand on a la chance de connaître à l’avance l’heure « H », on trouve des réponses aux questions les plus difficiles, à condition qu’elles soient pertinentes. Et la tienne l’est, ami.
Je suis infiniment reconnaissant à la France de m’avoir accueilli et de m’avoir permis de faire des études, de m’avoir donné la possibilité de gagner honorablement la parnossé(1), la mienne et celle de ma famille ; de m’avoir décoré de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre 1939-45 avec palme ; de m’avoir ouvert les portes de l’ordre de la Légion d’Honneur. Mais j’éprouve en ce moment le besoin absolu, irrésistible, de renforcer mes liens avec mes aïeux, avec mon Peuple. Et comment le faire mieux qu’en me liant définitivement avec le Pays, avec Jérusalem, avec le Mont des Oliviers. Oui, ma place est là-haut, sur la Colline, pas ailleurs. Même pas au Bagneux parisien.
Merci mon ami Itzhak de m’avoir obligé à cet effort de réflexion. En cherchant les éléments de ma réponse, j’ai découvert les raisons de l’apaisement dans lequel je vis depuis que je « sais » et à présent, même plus qu’auparavant, la montée vers le Sommet, où un gosse venu de Casablanca (Maroc), mon gendre, dira le kaddish(2), m’apparaît facile, simple, droite. Amen.
Abraham Estin, le 24 février 1983
(1) Gagne-pain.
(2) Prière pour les morts.
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