Abraham Estin, médecin humaniste
 
Abraham Estin, gosse de Grodon


 

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’Kharkov (1914-1921)
Né en 1912 à Grodno, alors à l’extrême occident de l’Empire russe, Yossef est d’abord un enfant de la guerre, sa mère ayant dû se réfugier en Ukraine avec sa sœur et lui —alors que son père a été arrêté avant le départ pour des raisons politiques. Les années ’Kharkov, de 1914 à 1921 sont pourtant éclairées pour un temps par l’amitié des cosaques qui voient en lui un « Intrépide ».

Grodno (1921-1930)
Cependant, de retour à Grodno, devenu polonaise, Yossef cesse à jamais d'être le môme de la Révolution pour se retrouver le trop seul homme d'une famille obscure et simple.  Il se lance à la recherche du père qu’il n’a pratiquement pas connu et qui a été exécuté comme militant socio-révolutionnaire du Bund. Le jour où Yossef se rase pour la première fois, naît en lui l’aspiration à la liberté, et le désir de découvrir la France. Son plan se forme dans la rêverie, en regardant le Niémen, le fleuve qu’il adore. Quand il se risque hors du cocon familial, c’est pour se confronter avec des chrétiens. Du coup, il se pose la grande question : qu’est-ce qu’être juif ?  Son désarroi le pousse à rencontrer les jeunes pionniers sionistes de Grodno. Il s’apprête à faire les débuts d’un journaliste,  politique dans le journal vivant sioniste, mais l’expérience tourne court. Il se console en partant pour les vacances à Szczuczyn, le shtetl, bourgade qu’il affectionne et où vit sa famille maternelle. A l’École professionnelle, Yossef prend ses études au sérieux et acquiert le goût du travail bien fait. Il noue amitié avec un rude gaillard, Shmelik Ganev (« Voleur »), stigmatisé pour avoir jadis volé quelques cerises, et qui tombe éperdument amoureux de ’Hayélé. Pour se défendre de leur propriétaire malveillant, Rivtzia fait appel à un avocat, qui exerce une forte séduction sur elle. Son fils en tombe malade de jalousie.
Yossef démarre sa vie professionnelle, rêvant toujours à la France, mais avec la crise de 1929, pas question d’avoir un visa. Il s’éprend d’une jeune fille par ailleurs très courtisée, Lounia, dont le père verrait bien en lui « le profil idéal de l’associé ». Yossef reste fidèle à son projet personnel, et la liaison tourne court.

Le départ (1930)
Au printemps 1930, la décision de partir est encouragée par la nouvelle d’une exposition internationale, à Liège, pour laquelle Yossef obtient un visa de séjour temporaire. En outre, il pourra retrouver là-bas  son ’Haïm Kantor. Le voyage est marqué par la rencontre d’un mineur polonais qui manifeste au naïf Yossef une sympathie bourrue et détourne l’attention de la police des frontières, lui évitant d’être arrêté et reconduit en Pologne. Arrivé en Belgique, Yossef doit convenir rapidement qu’il n’y a rien à espérer pour un travailleur illégal dans une petite ville. Mais de Liège à Paris, le passage de la frontière est plus facile que prévu.

La France (1930-1939)
Dès l’arrivée à Paris, Yossef brûle de voir la tour Eiffel, symbole pour lui de Liberté, Égalité, Fraternité. Yossef et ’Haïm trouvent à se loger en banlieue, apparemment sans trop de risque. Ils y passeront deux années. Faisant ses débuts dans l’illégalité, Yossef doit accepter n’importe quel travail au noir, instable et mal payé. En revanche, il jouit pleinement de sa liberté, bien que côté égalité et fraternité le tableau soit plus morose, spécialement pour les Juifs de l’Est.
Un jour, Yossef rencontre Bertha, une ancienne gardienne d’immeuble, à qui il rend service et dont il devient le protégé ; c’est sa « Babushka ». Paradoxalement, c’est chez elle qu’il rencontrera un médecin « israélite » affilié au groupement d’extrême droite qui a déclaré la guerre à la République et aux Juifs. Par ailleurs, il trouve du travail dans un atelier de mécanique, dont le patron, Monsieur Gustave, un ancien Croix de Feu, est pourtant clairement antisémite. Pendant plusieurs années, la vie de Yossef prend un tour à la fois stable et paradoxal auprès de cet alcoolique misanthrope qui l’a pris en affection. A la mort subite de Gustave, ses deux filles proposent à Yossef de reprendre son atelier, mais il ne veut pas en entendre parler. Ce qu’il acceptera, c’est un héritage inattendu : convoqué au ministère de l’Intérieur par un haut fonctionnaire auquel Gustave avait sauvé la vie pendant la Première Guerre mondiale, Yossef apprend en effet qu’il pourra bénéficier de facilités pour obtenir la nationalité française. Décidément, Paris est loin de Grodno, où a eu lieu un pogrom dont Yossef entend le récit perturbant par un jeune homme venu de là-bas.
« Monsieur Yossef » commence à être connu dans la branche de la petite mécanique de précision quand il fait connaissance avec Louba, la nièce d’un marchand de meubles juif du boulevard Magenta. Rapidement un projet de vie commune prend corps, et le mariage a lieu quelques semaines plus tard. Peu avant la noce, Yossef reçoit une lettre d’Israël Marszak, son oncle installé en Suisse, qui lui transmet un document familial précieux, en lui expliquant, avec un humour irrésistible pourquoi il ne viendra pas à son mariage. Louba devient gérante d’un magasin de meubles aux Puces et déclare qu’elle ne veut pas d’enfant avant qu’ils aient acheté un pavillon. Yossef de son côté est plutôt habité par l’éventualité d’un engagement militant, à cette époque de la guerre d’Espagne. Des Grodnoniens le sollicitent dans ce sens, mais il ne se sent pas prêt à entrer franchement dans l’activisme. Au printemps 1939, alors que le climat conjugal est plutôt maussade, Yossef et Louba pensent avoir enfin trouvé la maison de leurs rêves, à Mantes-la-Jolie. En fait, ils comprennent in extremis qu’ils ont failli conclure un marché de dupes.

Retour à Grodno (1939)
Peu après ce choc, Yossef reçoit un appel de Rivtzia : il doit venir d’urgence à Grodno pour empêcher ’Hayélé de faire une folie en épousant son amant, deux fois plus âgé qu’elle. Juste avant le départ, Yossef se fait voler les passeports et on lui établit un passeport consulaire, valable seulement pour quelques jours. Pendant le voyage, Louba apprend à Yossef qu’elle est enceinte. A Varsovie, ’Hayélé révèle qu’elle est déjà mariée… à l’avocat qui jadis courtisait Rivtzia ! Profondément triste, elle fait comprendre à Yossef l’imminence de la guerre.
A Grodno, Yossef constate avec peine que sa mère souffre d’asthme — en fait, elle est « malade d’amour » (la nostalgie de l’avocat). Son médecin la presse de « rentrer chez elle », à Szczuczyn, et elle part dès le lendemain.
A la mi-août, l’attente pour leurs passeports s’annonce bien longue vu les lourdeurs administratives. Brusquement, Yossef repense au haut fonctionnaire qui lui avait promis la nationalité française et entreprend de lui téléphoner. Le 31 août arrive un télégramme, signé « Gustave », annonçant qu’ils pourront retirer leurs passeports français au consulat de Varsovie, le lundi 4 septembre. Entendant qu’ils vont repartir, Dveyré s’apprête à leur parler longuement, car « il commence à se faire tard ».

Grand-mère (vers 1850 – 1914)
Bobé Dveyré raconte d'abord la mort accidentelle de son mari Yeyssef, en 1887. Il était portefaix, un métier peu apprécié, mais ses qualités personnelles lui valaient l’estime publique, car il ne jurait jamais ! Au moment de son veuvage, Dveyré avait déjà trois filles, et la tragédie précipite la naissance de son fils, Wolf. Grâce à la solidarité de la communauté juive, elle a pu acheter un tout petit magasin d’alimentation lui permettant d’élever dignement ses enfants.
Dveyré évoque aussi sa propre jeunesse, avec ses onze frères et sœurs. Son père, un colporteur, est mort en 1863, et sa mère a réussi à faire survivre sa nombreuse famille en faisant des ménages chez les Juifs riches.
A dix ans, Wolf décide de s’embaucher à la grande fabrique de tabac, dirigée par monsieur Szereszewski. D’abord simple commis, il étudie le soir d’arrache-pied pour apprendre la comptabilité. Il se met aussi à militer au Bund. Les grèves organisées par les révolutionnaires sont des événements incompréhensibles pour la grand-mère, qui incarne l’acceptation séculaire d’une rude existence.
Après avoir choisi des métiers pour ses trois sœurs, afin qu’elles deviennent indépendantes, Wolf trouve à chacune un honnête travailleur pour mari. A vingt-quatre ans, devenu second du comptable en chef de la fabrique, il annonce qu’il va lui-même se marier. Or sa promise, Rivtzia Marszak, vient d’une famille de « grands bourgeois », faisant des affaires avec des princes russes, ce qui effraie bobé Dveyré : venant de ce milieu, saura-t-elle s’adapter à son fils, avec ses idées du Bund ? Les Marszak vivent à Szczuczyn, un shtetl distant d’une soixante de kilomètres de Grodno. Le voyage pour sceller les accordailles est toute une aventure. La rencontre finalement se passe bien, malgré le décalage social entre les deux familles. Quelques mois plus tard, c’est le mariage avec la réception, traditionnelle, qui dure une semaine.
Le jeune couple s’installe à Grodno dans un bel appartement. Mais en 1914,  peu après la déclaration de la guerre, Wolf est arrêté comme bundiste, tandis que Rivtzia part à ’Kharkov avec ’Hayélé et Yossef. Quand bobé Dveyré prend la parole, le 31 août 1939, pour transmettre à Yossef et à Louba tout ce qui a précédé, elle nourrit de sombres pensées sur la guerre. 

La guerre à Grodno (1er septembre 1939 - 16 février 1943)
La période de la guerre à Grodno est relatée par Yossef sous la forme d’un journal, qui s’achève au moment où il est déporté, avec Louba et leur enfant, dans le train dont il avait lui-même préparé la locomotive. Si le récit fait bien comprendre combien la descente dans l’abime de la destruction des âmes et des corps fut progressive, on peut définir quelques jalons qui marquent ce processus  (cliquer sur les sous-titres pour accéder au survol).

(Le 13 mars 1943, la ville était déclarée par les nazis « libre de Juifs ». Après la libération de Grodno par les Russes, le 14 juillet 1944, une cinquantaine de personnes sortirent des caches où elles étaient terrées. C’étaient les survivants de trente milliers de Juifs.)

Conclusion du roman
Louba et l’enfant périssent à Treblinka.
Dans les dernières pages, Yossef s’adresse directement à l’interlocuteur auquel l’ensemble du récit est destiné, et dont l’identité ne sera pas révélée ici…



 









 















 

 

 


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